Le coaching n’est-il pas un moyen d’accentuer la pression de l’entreprise sur les individus ?

Une critique formulée à l’encontre du coaching consiste à dénoncer dans celui-ci, derrière le paravent de la relation d’aide, une forme d’individualisation du contrôle social, visant à mieux aligner les collaborateurs de l’entreprise sur des modèles comportementaux. De fait, l’essor du coaching professionnel coïncide avec le développement de politiques de management qui répercutent sur l’ensemble des salariés pris individuellement, et pas seulement sur les managers, une injonction à « s’engager » toujours davantage au nom de la performance, de la productivité, de la rentabilité. Face aux pressions, obstacles et difficultés de toutes sortes rencontrées dans la réalité du travail quotidien, il permettrait de soutenir les efforts démesurés exigés de la part des individus. Tirant parti de l’envie des personnes de trouver dans le travail, au-delà même des besoins d’appartenance et de reconnaissance, la satisfaction d’un besoin « d’accomplissement de soi » dans la réussite de leur vie professionnelle¹, l’accompagnement personnalisé aurait ainsi vocation à rendre supportable des situations qui ne le sont pas. D’autres critiques reprochent au coaching de prétendre apporter des réponses individuelles à des dysfonctionnements ou des problèmes qui sont organisationnels. Il acclimaterait l’idée selon laquelle la performance ne repose que sur les épaules des personnes, indépendamment de l’organisation du travail. Et il contribuerait à accentuer la pression sur les salariés en faisant d’eux les seuls responsables de leur performance, alors même que l’entreprise, mal adaptée à la gestion du changement, exige d’eux des résultats qu’elle les empêche de fournir… Pour reprendre les mots de François Délivré, « les cyniques diront que c’est un moyen sophistiqué que les employeurs ont trouvé pour obtenir encore plus de leur personnel, les marxistes diront que c’est le stade ultime de l’aliénation² » !

  Ces critiques ne peuvent être balayées d’un simple revers de main. Cependant tout ce livre et toute mon expérience du coaching montrent qu’il s’agit là d’une vision, au mieux, éminemment réductrice du coaching. La montée de la demande d’accompagnement en milieu professionnel ne reflète pas qu’un impératif de performance. Elle traduit avant tout la dissolution des repères traditionnels de l’entreprise, la complexification des processus et des enjeux, l’éclatement des systèmes hiérarchiques traditionnels, la généralisation de la relation de service et le développement continu de la dimension relationnelle du travail, qui expliquent un besoin croissant de parler, d’échanger, de prendre un recul réflexif, de se placer en position « méta », pour trouver les moyens de continuer à bien faire « son boulot ». Ce faisant, le coaching ne se substitue en aucune manière à l’indispensable dialogue collectif au sein de l’entreprise. Le fait de renvoyer chaque acteur à une instance subjective personnelle de changement, n’évacue en rien la nécessité politique et sociale d’une réflexion sur le management et l’organisation du travail. Le coaching lui-même implique l’organisation dans le processus de changement, il pose le principe que le prescripteur, en tant que représentant de l’institution, fait lui aussi partie de la solution du problème.

  Au-delà de tout ce que je viens de dire, le coaching professionnel prend le sens d’un acte de confiance dans l’humain. L’entreprise qui investit dans le coaching parie sur la capacité des salariés à se transformer, non pas en robots mécanisés, en purs objets de production, mais au contraire en sujet libre et responsable, apte à exprimer leurs visions, leurs doutes et leurs besoins, leurs talents et leurs limites, dans un projet de coopération. Certes, la personne coachée, investit du temps afin de progresser pour l’entreprise, mais elle investit aussi et d’abord ce temps pour elle-même, et c’est en trouvant ainsi des ressources pour mieux se réaliser qu’elle devient acteur d’un processus d’amélioration du système de communication et de pilotage de l’entreprise et, partant, de sa performance globale. Le travail visant à développer des « champions » est par nature ambigu. Il peut être mis au service de pouvoirs, d’intérêts particuliers, d’égoïsmes. Individuels ou collectifs. Je suis néanmoins convaincu que cette ambiguïté peut être assumée et dépassée si elle est mise au service de l’être humain et de valeurs constituant une certaine transcendance, transcendance sans laquelle il n’y a pas de solidarité possible, donc pas de construction humaine durable.

¹. Ces différents registres forment les cinq niveaux de la fameuse « pyramide des besoins », définie par A. H. Maslow il y a plus de cinquante ans.

². F. Délivré « que penser du coaching ? », in La Jaune Et La Rouge, revue de l’Amicale des anciens élèves de l’École polytechnique, octobre 1999.

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